Dans un précédent billet, inspiré par l’exemple du GIGN, je proposais de mettre davantage en valeur la notion d’efficacité, en rupture avec l’habituel diktat de la performance. J’aimerais aller un peu plus loin dans l’exploration de cette piste. Car cultiver l’envie de bien faire plutôt que l’obsession du résultat ne se limite pas à infléchir le discours. C’est évidemment bien plus qu’une question de mots. C’est un changement de pratiques.

Peut-on vraiment chercher l’efficacité sans s’entraîner ?

En l’occurrence, les univers centrés sur la recherche d’efficacité (les unités d’élite comme le GIGN, ou encore le milieu du sport de haut niveau) consacrent une majeure partie de leur temps à l’entraînement : acquérir, répéter, ancrer, ciseler, perfectionner… chacun des gestes techniques est bien sûr la condition-clé de l’efficacité individuelle. C’est aussi un élément indispensable dans la dimension collective : la parfaite maîtrise des gestes basiques contribue à créer la confiance des uns envers les autres. Dans l’action, le fait de ne pas douter de son co-équipier permet de rester parfaitement concentré sur la réalisation de sa mission.

Dans la majorité des entreprises, l’entraînement n’existe pas ou si peu ! On y parle de performance, mais face à un enjeu, on a des débats stratégiques, on discute tactique… mais on revient rarement au « basique ».

Prenons l’exemple courant de ce commercial qui, avec l’aide de son responsable, prépare un rendez-vous important chez un de ces clients : définition de l’objectif, stratégie de négociation, construction d’un plan d’action (quelles propositions, quels arguments, quel prix, etc…), autant de sujets sur lesquels il est intéressant de se caler, mais qui seraient utilement complétés par un temps d’entraînement plus « basique ». « Jouons la prise de contact », « répétons la présentation de l’entreprise », « travaillons le moment-clé où tu vas présenter le budget au client »… autant de gestes dont la maîtrise ne suffit certes pas à la réussite du rendez-vous, mais qui suffisent en revanche à dégrader considérablement l’efficacité des stratégies ou tactiques choisies ! Et, en cas d’échec, le débriefing, souvent tout aussi insuffisamment précis, ignorera les fautes basiques, pour en conclure que la non-atteinte de l’objectif s’explique par une erreur stratégique ou tactique !

La connotation que nous donnons souvent à cet adjectif « basique », que j’emploie dans ce billet, en dit long sur ce peu de considération que l’entreprise accorde à la maîtrise de ces gestes pourtant fondamentaux : il est infiniment plus chic de se targuer de participer à un comité stratégique que de raconter qu’on a passé l’après-midi à « retravailler ses basiques » !

 

Antoine Carpentier