Récemment, un échange avec un ancien membre du GIGN m’a interpelé (c’est bien l’échange qui m’a interpelé, pas le gendarme !)… Là où, sans vraiment me poser la question, j’utilisais le terme de performance comme enjeu collectif évident, il répondait par le mot efficacité… avec, pour lui, tout autant d’évidence.

La performance est-elle bien l’objectif à viser ?

Dans l’univers des unités d’élite, explique l’ex-gendarme, parler de performance revient à s’inscrire dans le registre de l’exceptionnel, du dépassement, du « toujours plus ». Ce n’est évidemment pas dans cet état d’esprit que fonctionne ce type d’unité. On ne cherche à embaucher ni des héros, ni des surhommes, rappelle en substance l’ancien militaire, mais seulement des individus fiables et efficaces, c’est-à-dire capables de faire ce qu’ils ont à faire, au bon moment, et comme il faut le faire. Dans le recrutement comme dans le management, le niveau d’exigence est élevé… mais pleinement concentré sur la réalisation de l’action plutôt que sur l’atteinte d’un objectif.

Cette logique nous rappelle les effets pervers de la « pression d’enjeu » résultant de cette recherche de performance, si répandue dans nos entreprises et ailleurs (la fameuse culture dite justement « de performance » qu’il faudrait décliner dans les écoles, les administrations,…) : stress, perte de sens, obsession des indicateurs entre autres conséquences, tendent, en réalité, à dégrader le niveau d’efficacité des acteurs dans l’action… pour générer, en fin de compte, des résultats décevants !

Le cercle vicieux peut alors se fermer : c’est précisément cette insuffisance de ces résultats qui servira d’argument incontestable au renforcement de la pression.

Certes, les enjeux auxquels les super-gendarmes sont confrontés n’ont rien à voir avec ceux qu’il nous faut relever au quotidien. Raison de plus de s’inspirer de leurs méthodes qui ont fait leurs preuves dans des situations extrêmes ! Gardons en tête qu’au quotidien, la « pression d’enjeu » dégrade le « plaisir du jeu ». Privilégions donc un management centré sur le « jeu » plutôt que sur « l’enjeu », qui cultive une motivation d’efficacité plutôt qu’une tension vers la performance, l’envie de bien faire plutôt que la crainte de ne pas atteindre l’objectif.

 

Antoine Carpentier