Un dernier post autour de la notion d’efficacité, avec cette fois encore, une illustration empruntée à l’univers du sport de haut niveau.

Lors d’une conférence que j’ai donnée il y a quelques temps, l’un des dirigeants d’entreprise présents m’a posé la question suivante : comment concilier la recherche d’efficacité – et la répétition des basiques – et l’autonomie, la créativité, l’agilité ? « En vous écoutant, expliqua-t-il, j’ai l’impression qu’il faudrait ramener nos collaborateurs à un rôle d’exécution, répétitif et sans possibilité pour eux d’apporter quelque plus-value que ce soit… un peu comme ces champions de tennis qui frappent des balles pendant des heures sans réfléchir ! »

L’exemple choisi par ce patron était encore plus pertinent qu’il ne le pensait, rejoignant parfaitement quelques constats faits par des experts scientifiques intervenant dans le monde du sport. Certains d’entre eux, ont notamment étudié le fonctionnement du cerveau de Rafael Nadal, montrant qu’effectivement, il frappe des balles « sans réfléchir » : exécuter un de ses coups droits à l’efficacité redoutable et redoutée, exige de mettre en œuvre un enchaînement de gestes qui, à force d’entraînement, sont devenus des automatismes qui ne prennent à son cerveau que quelques millièmes de secondes – là où l’amateur en consacrera dix fois plus à « réfléchir » à son placement, au déclenchement de sa frappe, etc…

Voilà, au-delà des seules vertus d’efficacité, de régularité, de fiabilité, l’intérêt puissant de transformer les gestes fondamentaux en purs réflexes : permettre au champion d’avoir du « temps de cerveau disponible ». Libéré des préoccupations basiques (l’exécution du geste), le cerveau peut se consacrer aux aspects tactiques : analyser la situation, choisir la zone à viser, décider de l’effet à imprimer à la balle… pour peut-être changer d’intention au dernier moment en constatant les signes d’anticipation envoyés par l’adversaire.

Rechercher la maîtrise basique, répéter les mêmes gestes, être exigeant sur leur application n’est pas une volonté d’enfermer les individus dans une insensée logique d’exécution… mais bien au contraire de libérer leurs capacités d’adaptation, de créativité, d’agilité là où elles seront utiles ! Dans une logique d’efficacité, le souci d’excellence basique non seulement n’est pas incompatible avec l’autonomie tactique… mais mieux : il en est la condition !

 

Antoine Carpentier