Dans les entreprises (et plus largement dans la société), semble s’exprimer de plus en plus fortement, un besoin de « sens » : trouver un sens à son travail, à son engagement, à sa vie, tel est le vœu, ou pour être plus exact, l’attente que formulent beaucoup d’entre nous. Car, de façon assez communément admise, c’est au manager que reviendrait la responsabilité de « donner du sens », charge à lui de proposer une vision de l’avenir attractive et mobilisatrice…

Mais parler d’avenir dans un environnement aussi changeant qu’imprévisible revient à demander à un myope de décrire un ciel étoilé !

Comment alors nourrir ce besoin de sens ?
Comment forger ce « pourquoi », qui comme le disait Nietzsche,  permet de surmonter tous les « comment » ?

Dans les années 90-2000, la notion de projet était la réponse évidente : en décrivant ce que l’entreprise ambitionnait de devenir 10 ans plus tard, le dirigeant ouvrait un espace de conquête censé permettre à chaque collaborateur de trouver le sens de son engagement.

Mais aujourd’hui, à peine imprimé, le projet serait sans doute déjà ringard et dépassé ! Et finalement, notamment pour les jeunes générations, davantage attachées à profiter du présent, une vision à 10 ans est-elle réellement porteuse de sens : devenir la référence sur le marché, le n°1 mondial, le plus grand, le plus fort… ne parait plus susciter l’enthousiasme imaginé parfois par les dirigeants !

Et si pour construire un sens commun, on parlait d’aventure ?
Si au lieu de rêver d’une destination (un hypothétique « futur meilleur »…), on cherchait plutôt à s’accorder sur le voyage en lui-même, sur ce que nous aimerions vivre, ici et maintenant ?

Comment avons-nous envie de faire le métier ? Dans quelle ambiance voulons-nous travailler ? Quelle expérience souhaiterait-on faire vivre à nos clients ? etc… Car si la notion de sens évoque souvent l’idée de direction ou encore celle de signification, n’oublions pas qu’elle renvoie aussi à celle de perception : le sens (les 5 sens), c’est aussi (ou même d’abord) ce que nous voyons, entendons, sentons, là, tout de suite.

Claude Onesta (encore lui…) le dit très bien : « Ce qui me passionne, c’est ce que le sport peut représenter comme vecteur de mieux-vivre et de mieux-faire ensemble. Ce ne sont pas les titres qui importent, mais la construction de ces titres, le modèle novateur qu’on a mis en place : comment on a pu grandir ensemble, s’accommoder de nos différences, faire fructifier des éléments positifs en chacun… C’est ça mon vrai bonheur dans cette aventure collective. » 

L’aventure, pour finir, a un mérite : elle est l’affaire de tous et non de quelques cadres dirigeants suffisamment visionnaires pour penser à 10 ans ! Chacun peut y contribuer et en cela « passer de l’état de passager du voyage à acteur de l’aventure » (Christopher Viehbacher, ancien patron de Sanofi, cité par Eric-Jean Garcia). Et finalement, n’est-ce pas là l’essentiel : se « sentir » acteur dans son quotidien n’est-il pas au cœur de la question du sens, au-delà même de la nature de ce quotidien ?

Antoine Carpentier